Des conséquences pour la vie : les mauvais traitements peuvent compromettre l'avenir d'un enfant

Crédit photo : Tarek Afifi

Récipiendaire d'une subvention du volet Fondation des IRSC

Dre Tracie O. Afifi
Professeure agrégée
Faculté des sciences de la santé, Université du Manitoba

La recherche de la Dre Afifi

La Dre Tracie Afifi, épidémiologiste à l'Université du Manitoba, étudie les relations entre la maltraitance des enfants et les problèmes de santé mentale et physique au cours de l'enfance et de l'adolescence, et plus tard à l'âge adulte. Par son travail, cette chercheuse financée par les IRSC s'est largement fait connaître comme ardente défenseure des enfants, en particulier de leur droit de vivre sans craindre des sévices physiques et psychologiques.

La chercheuse s'est consacrée au cours des dernières années à l'exploration de nouvelles avenues de recherche épidémiologique pour guider la politique publique et améliorer les stratégies et les services de prévention et d'intervention au Canada relativement à la maltraitance des enfants.

Épidémiologie : branche de la médecine qui traite de l'incidence, de la répartition, et de la lutte possible contre la maladie ainsi que des autres facteurs qui influent sur la santé (dictionnaire Oxford)

À la tête d'une équipe acharnée de chercheurs, la Dre Afifi a extrait de précieuses informations d'ensembles de données populationnelles afin de démontrer une corrélation entre la violence subie au cours de l'enfance et des effets dommageables sur la santé mentale et physique. Les conséquences des mauvais traitements infligés aux enfants sont profondes et peuvent influer négativement sur la santé toute la vie durant.

Selon la Dre Afifi, un écart important subsiste entre la compréhension du tort causé par la maltraitance des enfants et des stratégies de prévention efficaces. Sa recherche vise à élaborer des stratégies pour prévenir la maltraitance des enfants et ainsi modifier la trajectoire de ces derniers, améliorer leur santé, et renforcer les familles.

Fait important, l'empreinte des mauvaises expériences durant l'enfance résultant de châtiments corporels, d'agressions physiques ou sexuelles, de violence psychologique, de négligence, ou d'exposition à la violence conjugale peut subsister à l'âge adulte.
Les travaux de la Dre Afifi ont permis d'établir que la maltraitance des enfants peut avoir plus tard dans la vie de lourdes conséquences à l'origine de troubles de santé mentale, tels que dépression, anxiété, consommation excessive d'alcool et de drogues, problèmes de jeu, idées suicidaires et tentatives de suicide. La chercheuse a également mis en corrélation la maltraitance des enfants avec des problèmes de santé physique à l'âge adulte tels qu'arthrite, maux de dos, migraines et obésité.

Sa recherche montre aussi que les personnes maltraitées durant leur enfance sont plus susceptibles de devenir sans-abri, d'avoir une piètre qualité de vie liée à la santé, et de subir de la violence dans leurs relations une fois adultes. Ces contrecoups compliquent davantage la situation des personnes dont la santé et la vie sociale laissent à désirer en raison de mauvais traitements.

En 2012, lorsque la Dre Afifi et ses collègues ont publié les résultats de leur étude financée par les IRSC et recommandé « qu'aucun châtiment corporel ne soit infligé à un enfant, peu importe son âge », ils ont lancé un débat international sur les méfaits pour la santé mentale des châtiments corporels comme moyen de discipliner les enfants. La réaction a été vive de part et d'autre. Beaucoup ont applaudi le travail de la chercheuse, signalant qu'il représentait un tournant, tandis que les partisans de la fessée ont critiqué son étude et défendu cette façon de corriger les enfants.

Déterminée à réaliser d'autres études innovantes de qualité élevée contribuant à la littérature scientifique sur les châtiments corporels et la maltraitance des enfants, la Dre Afifi continue de défendre les droits des enfants.

« Des relations plus chaleureuses et plus étroites avec nos enfants passent par des approches parentales positives et non physiques qui les guident. En clair, il n'y a jamais de raison de frapper un enfant », affirme la Dre Afifi.

Appuyer les avancées permettant de renforcer les familles et d’améliorer la santé mentale à long terme des enfants

Le plus récent projet de la Dre Afifi, « Prévenir la maltraitance des enfants : modifier la trajectoire d'un enfant, améliorer la santé et renforcer les familles », s'inscrit dans le prolongement de ses travaux antérieurs. Reconnaissant qu'il existe peu de données canadiennes, elle dirigera une collecte de données primaire, des analyses secondaires des données, et des recoupements avec les données administratives sur la santé pour faire avancer les connaissances au Manitoba et au Canada.  

Les objectifs sont de comprendre l'ampleur et la portée de la maltraitance des enfants dans un contexte canadien; de déterminer les facteurs de protection aux divers niveaux (individu, famille et communauté), qui sont associés à une probabilité réduite de maltraitance ou à une probabilité accrue de meilleure santé à la suite de mauvais traitements durant l'enfance; d'appliquer ces connaissances pour élaborer de nouvelles stratégies d'intervention fondées sur des données probantes ou modifier les programmes existants.

Une meilleure compréhension des différents types de mauvais traitements infligés aux enfants et aux adolescents guidera des interventions efficaces, aidera à adapter les programmes, et permettra d'évaluer avec justesse tout changement aux services pour les personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale issus de maltraitance subie dans l'enfance.

Cette recherche contribuera grandement à améliorer notre compréhension de l'étendue du problème et aidera à élaborer des stratégies de prévention et d'intervention fondées sur des données probantes pour prévenir la maltraitance avant qu'elle n'ait lieu, éliminer ou minimiser toute récidive, et venir en aide aux personnes maltraitées au cours de leur enfance.  

« Prévenir la maltraitance des enfants permettra d’améliorer tous les aspects de la vie d’une personne et débouchera sur une meilleure santé des enfants, des familles et des communautés. »

Dre Tracie Afifi

Au sujet de la Dre Afifi

Chercheuse reconnue internationalement sur la maltraitance des enfants et défenseure du bien‑être des enfants, la Dre Afifi était la chercheuse principale de la première étude épidémiologique représentative au Canada sur l'impact de la maltraitance des enfants sur la santé mentale de l'adulte. Après avoir obtenu une maîtrise en sciences de l'Université du Manitoba, elle a reçu un doctorat en philosophie du même établissement en 2009.

Professeure agrégée à la fois en sciences de la santé communautaire et en psychiatrie au Collège de médecine de la Faculté des sciences de la santé de l'Université du Manitoba, la Dre Afifi a reçu une bourse de nouveau chercheur des IRSC en 2013, année où la Coalition canadienne pour les droits des enfants lui a remis un prix pour la défense des droits des enfants.


L'article 43 du Code criminel du Canada,intitulé Protection des personnes exerçant l'autorité, se lit comme suit :

Tout instituteur, père ou mère, ou toute personne qui remplace le père ou la mère, est fondé à employer la force pour corriger un élève ou un enfant, selon le cas, confié à ses soins, pourvu que la force ne dépasse pas la mesure raisonnable dans les circonstances.

Le moyen de défense fondé sur la correction raisonnable est apparu dans la première version du Code criminel du Canada en 1892. La teneur de la disposition a très peu changé depuis, à l'exception de la mention des patrons et des apprentis, qui a été supprimée. 

En décembre 2015, le Pérou est devenu le 48e pays au monde à interdire les châtiments corporels infligés aux enfants, quelles que soient les circonstances, y compris au sein de la famille.

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