Un simple test d’urine pourrait sauver la vie de greffés rénaux
Quelle est la grande passion de la plupart des médecins, dont la Dre Julie Ho? Aider les gens.
« Je m'occupe de mes patients et j'ai la chance de vivre une très longue relation avec ces gens extraordinaires », confie la Dre Ho, néphrologue transplantologue et professeure en médecine interne à l'Université du Manitoba.
Dans le cadre de sa pratique, la Dre Ho s'occupe des greffés rénaux et de leur traitement avant et après la transplantation. Ses plans de traitement durent des années, pendant lesquelles elle aide ses patients à traverser autant les périodes très sombres que les périodes lumineuses de leur vie.
« La transplantation est l'un des rares domaines en médecine où l'on voit beaucoup de joie. Lorsque les patients viennent à l'hôpital pour recevoir leur nouveau rein, ils sont contents d'être là, indique-t-elle. C'est un privilège de pouvoir les accompagner dans ce parcours. »
Mais malgré tous les bienfaits d'une greffe rénale réussie, il y a aussi beaucoup de moments difficiles. D'après la Dre Ho, c'est particulièrement le cas lorsqu'une transplantation ne se déroule pas comme prévu. En moyenne, 1 700 personnes reçoivent un nouveau rein chaque année au Canada; le tiers d'entre elles vivront un rejet de la greffe dans l'année suivant l'opération.
« C'est réellement dévastateur lorsque le corps d'un patient rejette la greffe. Ça peut vouloir dire qu'il retournera en état d'insuffisance rénale, et qu'il devra reprendre la dialyse, explique-t-elle. C'est ça qui motive réellement mon travail : trouver des moyens pour que la greffe dure le plus longtemps possible. »
Détecter plus tôt le rejet de greffe rénale
Les normes de soins actuelles pour les greffés rénaux comprend la surveillance d'un rejet potentiel au moyen d'une analyse sanguine de routine appelée créatininémie. Ce test mesure la fonction rénale, mais ne détecte pas les possibles lésions ou l'inflammation, ce qui rend difficile pour les médecins de savoir si le corps est en train de rejeter le greffon.
« Le rein est un organe très endurant, indique la Dre Ho. Les dommages peuvent être considérables avant que les fonctions soient affectées au point qu'on détecte des marqueurs de créatinine dans le sang, et que le docteur demande une biopsie pour déceler des signes de rejet. Souvent, le rein a alors déjà subi des lésions et il est difficile de le sauver. »
Lorsque cela se produit et que le patient retombe en état d'insuffisance rénale et recommence la dialyse, c'est non seulement sa qualité de vie et sa santé mentale qui en pâtissent, mais aussi l'ensemble du système de soins de santé. La dialyse peut coûter jusqu'à 100 000 $ par patient annuellement, contrairement à la transplantation, qui coûte en moyenne 60 000 $ et dont les coûts annuels de maintien s'élèvent ensuite jusqu'à 24 000 $.
« Évidemment, ce n'est pas seulement une question d'argent, précise la docteure Ho, mais quand on s'attarde aux économies potentielles pour le système, on trouve une raison de plus de chercher des moyens pour que ça fonctionne. »
Inspirée par son mentor et collègue, le Dr David Rush, qui a découvert que le rejet de greffe ne se détecte pas avec une analyse sanguine de routine, la Dre Ho a étudié la possibilité qu'un test d'urine puisse y parvenir. Ce test est capable de déceler la présence dans l'urine d'une protéine en particulier, sécrétée aux stades précoces de rejet du rein. Il est au cœur d'un projet de recherche de cinq ans, qui a montré qu'il était possible de détecter des signes précurseurs de dommages aux reins environ quatre semaines plus tôt qu'avec la créatininémie traditionnelle.
Ce gain de temps est crucial pour exécuter une intervention précoce, selon la docteure Ho. « Une fois qu'on a détecté ces signes précurseurs de rejet, on peut prendre les mesures appropriées pour traiter les patients immédiatement, explique-t-elle. Notre étude a montré que si l'on agit dès qu'on détecte des taux élevés de cette protéine, et qu'on administre au patient des médicaments antirejet, les taux redescendront, ce qui indique que le corps pourrait avoir cessé le processus de rejet. Avec ce test, nous espérons pouvoir allonger la durée de la transplantation rénale chez les patients. »
La Dre Ho et son équipe sont au milieu d'un grand essai clinique collaboratif avec dix centres de santé du Canada et de l'Australie, essai qui vise à mesurer l'efficacité du test d'urine. L'équipe croit que cette pratique pourrait un jour être intégrée aux normes de soins. Actuellement, le test est analysé en laboratoire, mais l'équipe espère mettre au point une technique pour en faire un test simple et rapide, semblable au test de grossesse à faire chez soi, qui pourrait être utilisé à l'échelle mondiale.
« Cette découverte aurait une incidence majeure sur les communautés rurales et éloignées du Canada, notamment les communautés autochtones, se réjouit la Dre Ho. Si ces tests peuvent être facilement utilisés dans des hôpitaux et des cliniques en région rurale qui disposent de peu de ressources, ou même par le patient chez lui, il pourrait réellement améliorer la vie des greffés rénaux partout au pays. »
Utiliser la recherche pour améliorer les soins
La Dre Ho s'intéresse actuellement à la possibilité de concevoir un test d'urine similaire qui permettrait de trouver les patients qui courent un risque accru de rejet de greffe dans les années à venir, et ce, dès la première année après l'opération.
« C'est une approche proactive qui vise à repérer les personnes qui pourraient perdre leur organe à cause d'un rejet ou d'une récidive de la maladie rénale d'origine, explique-t-elle. Nous utilisons un test d'urine semblable à celui qui mesure les taux protéiques dans l'urine pour trouver les personnes à risque. Les médecins peuvent ensuite assurer une surveillance plus étroite, administrer des traitements plus efficaces ou adapter les soins pour prolonger au maximum la durée de la greffe. »
Cette étude est au stade de l'observation, et la Dre Ho prévoit passer aux essais cliniques dans les prochaines années. Elle est reconnaissante des investissements faits dans son projet de recherche, qui selon elle amélioreront l'efficacité des soins non seulement pour les Canadiens, mais aussi pour la population mondiale.
« Les domaines de la science et de la médecine sont constitués de divers éléments qui s'imbriquent les uns dans les autres, dit la docteure Ho. Nous rajoutons de nouveaux éléments aux découvertes et aux innovations des chercheurs avant nous. J'espère que ce que nous faisons actuellement contribuera à prolonger la durée des greffes rénales et, au bout du compte, la vie des patients qui ont reçu une transplantation. »
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