Trouver une nouvelle intervention pour le trouble de la consommation de méthamphétamine tout en s’attaquant aux problèmes sociaux et à la stigmatisation

Des chercheurs du Centre hospitalier de l’Université de Montréal s’efforcent de rendre les traitements plus faciles et plus accessibles pour les personnes souffrant de troubles liés à la consommation de substances

En bref

L’enjeu

Les hospitalisations et les décès liés à la méthamphétamine sont en hausse, tout comme la demande de services de réduction des méfaits. Cependant, il y a actuellement un manque d’interventions fondées sur des données probantes pour le trouble de la consommation de méthamphétamine. La plupart des études sur les opioïdes sont dépassées, car elles se concentrent sur la consommation d’héroïne, et non sur celle de substances beaucoup plus fortes.

La recherche

L’essai clinique OPTIMA visait à améliorer les modèles de soins pour la gestion du trouble de la consommation des opioïdes. La nouvelle étude de l’équipe se concentrera sur la lisdexamphétamine et la gestion des contingences en tant qu’interventions prometteuses pour le trouble de la consommation de méthamphétamine, seules ou combinées.

Les retombées

Grâce à l’essai clinique OPTIMA, l’équipe de recherche a confirmé qu’un modèle de soins avec un traitement plus accessible était sûr et efficace pour réduire la consommation d’opioïdes chez les Canadiens.

Lectures connexes

La recherche clinique sur la santé mentale, la toxicomanie et la consommation de substances psychoactives est compliquée en raison du sous-financement perpétuel, de la stigmatisation et de divers déterminants sociaux de la santé. Les chercheurs restent néanmoins déterminés à rendre les traitements plus faciles et plus accessibles pour les personnes souffrant de troubles liés à la consommation de substances psychoactives. C’est ce qui a motivé la création, en 2015, de l’Initiative canadienne de recherche sur les impacts des substances psychoactives (ICRIS), un réseau national de chercheurs, de fournisseurs de services, de responsables des politiques et de personnes ayant une expérience concrète.

L’un des chercheurs de l’ICRIS est le Dr Didier Jutras-Aswad, psychiatre et chercheur en toxicomanie au Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM), où il dirige un laboratoire spécialisé dans la santé mentale, la consommation de substances psychoactives et la toxicomanie.

Les données de l’essai clinique OPTIMA sont favorables à des modèles de soins plus souples

L’un des essais les plus récents de son équipe portait sur la consommation d’opioïdes et visait à améliorer les modèles de soins pour la gestion du trouble de l’usage des opioïdes. Le Dr Jutras-Aswad et d’autres collègues participant à l’Initiative canadienne de recherche sur les impacts des substances psychoactives ont décidé de lancer l’étude, appelée OPTIMA, après avoir constaté que la plupart des études sur les opioïdes étaient dépassées, car elles portaient sur la consommation d’héroïne et non sur celle de substances beaucoup plus fortes comme le fentanyl. De plus, l’intervention médicale pour la dépendance aux opioïdes était lourde pour les patients, nécessitant une supervision directe quotidienne de la prise de méthadone ou de buprénorphine/naloxone dans une clinique ou une pharmacie pendant trois mois et parfois plus. L’équipe a trouvé une intervention moins exigeante mais tout aussi efficace en utilisant un modèle de soins qui permet de prendre de la buprénorphine/naloxone à domicile au début du traitement.

« Ce que nous avons essayé de faire avec OPTIMA, c’est d’abord de mener un essai sur l’efficacité de la méthadone et de la buprénorphine/naloxone auprès d’une population de personnes consommant des opioïdes plus puissants, mais aussi d’essayer de proposer un modèle de soins beaucoup plus souple pour la buprénorphine/naloxone, qui permet moins de supervision et des modèles de soins moins exigeants », explique le Dr Jutras-Aswad.

« L’essai a montré que le fait d’être beaucoup plus souple et moins exigeant avec la buprénorphine/naloxone n’était pas moins efficace pour réduire la consommation d’opioïdes que l’utilisation de la méthadone, ce qui fournit des données aux cliniciens pour discuter avec les patients d’approches plus souples », ajoute-t-il.

Par ailleurs, comme le dit l’article publié (en anglais seulement), « cet essai a confirmé qu’un modèle de soins avec des doses flexibles de buprénorphine/naloxone à emporter à la maison était sécuritaire et non inférieur à un traitement à la méthadone étroitement supervisé pour réduire la consommation d’opioïdes chez les Canadiens ».

Un nouvel essai clinique pour remédier à l’absence d’intervention fondée sur des données probantes pour le trouble de la consommation de méthamphétamine

Le Dr Jutras-Aswad et d’autres collègues de l’Initiative canadienne de recherche sur les impacts des substances psychoactives s’intéressent maintenant au trouble de la consommation de méthamphétamine, pour lequel il n’existe aucune intervention approuvée. Selon le Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances, les hospitalisations et les décès liés à la méthamphétamine sont en hausse, tout comme la demande de services de réduction des méfaits. Cependant, comme il n’existe actuellement aucune intervention fondée sur des données probantes pour le trouble de la consommation de méthamphétamine, le but de l’essai du Dr Jutras-Aswad est d’en trouver une.

L’équipe de recherche se concentre sur la lisdexamphétamine et la gestion des contingences en tant qu’interventions prometteuses pour le trouble de la consommation de méthamphétamine, seules ou combinées. Ils remplaceront la méthamphétamine par de fortes doses de lisdexamphétamine, un stimulant sécuritaire et prescrit. Toutefois, leur étude ne porte pas seulement sur le médicament. L’équipe testera également si le fait de fournir des incitatifs financiers pour soutenir l’engagement dans les soins, en plus des interventions psychosociales habituelles, sera efficace pour aider les personnes ayant des troubles de consommation de méthamphétamine à diminuer leur consommation de substances.

Faire participer des personnes ayant un vécu expérientiel dès le départ

Dans un essai sur l’usage de substances, on réunit des facteurs aggravants, notamment des problèmes psychologiques ou un manque de logement ou de revenu qu’il faut prendre en compte. Cet essai permet également de soulever des questions sur la manière d’évaluer les résultats d’un essai clinique impliquant des populations vulnérables. C’est pourquoi l’équipe de recherche a fait appel à des personnes ayant un vécu expérientiel pour concevoir conjointement l’étude et déterminer les résultats les plus pertinents à mesurer.

« On ne peut pas concevoir et évaluer un essai clinique mené auprès de populations vulnérables souffrant d’affections complexes de la même manière qu’un médicament contre, par exemple, l’hypertension artérielle auprès d’une population relativement stable et dont le résultat est simple à mesurer », explique le Dr Jutras-Aswad. « La façon d’évaluer la recherche sur les troubles liés à la consommation de substances devrait être différente, et un point de départ essentiel est de se concentrer sur ce qui compte le plus pour les personnes vivant avec ce trouble aux facettes multiples », ajoute-t-il. 

Des efforts supplémentaires sont nécessaires pour combler un déficit historique dans la recherche sur la santé mentale et la toxicomanie

Bien qu’enthousiaste à l’égard de cet essai, le Dr Jutras-Aswad rappelle également qu’il reste beaucoup à faire dans ce domaine. « Les conséquences de la stigmatisation sont encore nombreuses », dit-il. « Dans le passé, les traitements des troubles de la santé mentale et de la toxicomanie n’étaient pas suffisamment financés; nous le constatons encore dans les milieux cliniques où le budget et le financement attribués à la recherche sur la santé mentale et les troubles liés aux substances ne sont pas toujours suffisants et ne correspondent pas à ce que le problème représente pour la société et pour les gens. »

« Lorsqu’on regarde les essais cliniques visant certains troubles liés aux substances et à la santé mentale, on remarque qu’on n’a souvent pas le [même] nombre d’essais et d’interventions [que pour d’autres conditions] pour guider les décisions cliniques. Il arrive qu’une intervention soit basée sur trois ou six essais, mais rien de comparable à l’ensemble des preuves dont on dispose pour guider les interventions dans d’autres domaines », explique le Dr Jutras-Aswad.

Le déficit historique de la recherche sur les dépendances est un défi qui doit être relevé. Des efforts de recherche concertés tels que ceux menés par l’Initiative canadienne de recherche sur les impacts des substances psychoactives et d’autres initiatives de financement sont essentiels pour relever ce défi. Le Dr Jutras-Aswad estime que l’essai sur le trouble de la consommation de la méthamphétamine est particulièrement opportun, car peu de recherches sont menées sur la consommation de la méthamphétamine, qui demeure un fardeau au Canada et ailleurs. Alors que de nombreux essais consistent à peaufiner une intervention existante ou à apporter de petites modifications aux doses, l’équipe a pour mission de trouver la première intervention médicale adéquate pour la consommation de méthamphétamine.

Lectures complémentaires

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