Est-ce le sepsis? Sepsis Canada souhaite donner aux Canadiens les moyens de reconnaître les signes et les symptômes du problème de santé le plus mortel au monde

La Dre Alison Fox-Robichaud dans son labo à l’Université McMaster. La Dre Fox-Robichaud est directrice scientifique de Sepsis Canada. (Photo de Georgia Kirkos/McMaster University)

En bref

L’enjeu

Le sepsis est le problème de santé le plus mortel au monde, tuant plus de personnes dans le monde que le cancer. Même si la plupart des gens ont entendu parler du sepsis, plusieurs ne savent pas en reconnaître les signes et symptômes. En 2017, l’Organisation mondiale de la santé a déclaré que le sepsis est un problème majeur de santé mondiale.

La recherche

Un réseau de recherche national, Sepsis Canada, a été mis en place grâce au financement des IRSC dans le but d'élucider les causes du sepsis, d'améliorer la prévention, la détection et la prise en charge des cas de sepsis et d'appuyer le rétablissement et la réadaptation des personnes touchées.

Les retombées

Accélérer la détection, le diagnostic et le traitement du sepsis augmente les chances de survie. Sepsis Canada s'est donné la mission d'informer les gens pour qu'ils soient en mesure de demander à leur professionnel de la santé : « Est-ce le sepsis? »

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Selon l’adage, le deuil, c’est apprendre à vivre sans l’autre. Pour Ariana Parolini Sisti, le deuil est ce qui la motive à avancer.

« Mon souhait est qu’aucune autre famille n’ait à subir ce que la mienne a vécu », dit Ariana.

Ariana Parolini Sisti et son défunt mari Dario

Un jour d’été 2017, le lendemain de son 28e anniversaire de mariage, son univers s’est écroulé.

« Mes deux enfants et moi étions dans une salle de l’hôpital réservée aux proches, dit-elle les larmes aux yeux, quand les médecins sont venus m’annoncer que mon mari était décédé ».

Son époux, Dario Sisti, âgé de 63 ans, a subi une importante opération au cœur dans un hôpital de Montréal le 11 juillet 2017. Son rétablissement initial était si remarquable qu’on lui a accordé son congé cinq jours après l’intervention.

« À son retour à la maison, j’ai vu son état s’améliorer de jour en jour », se souvient Ariana. Toutefois, la condition de son mari s’est rapidement détériorée. Sa respiration a changé et il semblait plus essoufflé lorsqu’il marchait ou montait l’escalier. « Tout va bien! », insistait Dario. Treize jours après l’opération, sa femme le ramenait d’urgence à l’hôpital.

« Malheureusement, mon mari est décédé des suites d’un choc septique le 30 juillet 2017 », dit Ariana.

Le sepsis : le problème de santé le plus mortel au monde

Le sepsis, une réaction extrême du corps à une infection, est une urgence médicale qui menace la vie. L'organisme réagit de façon excessive à l'infection en déclenchant une grave inflammation et en formant des caillots de sang dans les organes, qui les font cesser de fonctionner. Plus la personne attend avant de recevoir le traitement antibiotique approprié, plus elle risque de se retrouver aux soins intensifs; sans traitement, ce peut même être la mort en quelques heures.

Fait étonnant pour la majorité, il s'agit du problème de santé le plus mortel au monde, tuant plus de gens que le cancer. En 2017, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a reconnu le sepsis comme un « problème majeur de santé mondiale » et a urgé ses États membres, dont le Canada, à agir.

Par conséquent, les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) ont lancé le processus de création d'un réseau de recherche sur le sepsis en 2018.

« Bien qu'on puisse prévenir et traiter le sepsis, ce problème de santé représente un lourd fardeau émotionnel pour les patients et les familles, des coûts pour le système de santé et la société ainsi qu'une cause de morbidité et de mortalité prématurées », souligne le Dr Brian Rowe, directeur scientifique de l'Institut de la santé circulatoire et respiratoire des IRSC. « Le personnel clinicien qui travaille en soins préhospitaliers, en soins d'urgence et en soins intensifs est formé pour repérer et prendre en charge les cas de sepsis dans les plus brefs délais. Cependant, on ignore encore tellement de choses sur ce phénomène. »

Ainsi, à l'initiative de l'Institut de la santé circulatoire et respiratoire (ISCR), en collaboration avec l'Institut des maladies infectieuses et immunitaires (IMII), l'Institut de la nutrition, du métabolisme et du diabète (INMD) et l'Institut de la santé publique et des populations (ISPP) des IRSC, il a été envisagé de créer un réseau pour réunir des chercheurs de partout au Canada afin de mieux comprendre la détection, la prévention et la prise en charge du sepsis », renchérit le Dr Rowe, qui est également professeur de médecine d'urgence et de santé publique à l'Université de l'Alberta.

Sepsis Canada est aujourd'hui un réseau de recherche unique, coordonné à l'échelle nationale, comptant plus de 300 membres, dont des scientifiques, des patients et des utilisateurs des connaissances, qui travaillent ensemble pour mieux comprendre la portée et l'incidence du sepsis, sa prévention, la détection des cas et la réhabilitation nécessaire, dans le but d'informer et de sensibiliser le public.

« Le sepsis peut survenir à la suite de n'importe quelle infection, fongique, virale ou bactérienne », explique la Dre Alison Fox-Robichaud, directrice scientifique de Sepsis Canada et professeure de médecine à l'Université McMaster.

« On peut [le] développer à partir d'une coupure de papier, d'une infection postopératoire, d'une grippe et même d'une infection à streptocoques », ajoute-t-elle. « Chaque patient ayant succombé à la COVID-19 à l'hôpital est décédé de sepsis, le décès ayant été provoqué par une défaillance multiviscérale, elle-même causée par une infection grave. Les décès dus à la COVID sont un exemple récent de l'effet dévastateur des pandémies et du sepsis. »

« Le sepsis existe depuis toujours, mais compte tenu de son caractère complexe et de la difficulté à y trouver des traitements efficaces, il n'est pas aussi connu que d'autres problèmes de santé », dit la Dre Fox-Robichaud. « Certains symptômes du sepsis, comme la déshydratation, la douleur, la fièvre, les difficultés respiratoires et la confusion sont semblables à ceux d'autres maladies et mènent souvent à des diagnostics erronés. Pour le moment, aucun test sanguin n'est réalisé d'emblée pour détecter le sepsis; on se fie aux professionnels de la santé pour en arriver au diagnostic par élimination, ce qui complique les choses. C'est cette lacune que tente de combler l'équipe de recherche de Sepsis Canada et des équipes ailleurs dans le monde. »

Combler les lacunes dans les connaissances sur le sepsis

Dre Jeanna Parsons Leigh

Au cours de l’une des premières études du réseau, les chercheurs de Sepsis Canada ont sondé les connaissances du public sur le sepsis. Bien que 61 % des 3 200 répondants canadiens ont dit être familiers avec le terme, moins du quart savait réellement de quoi il s’agissait et pouvait en reconnaître les différents signes et facteurs de risque.

« Les résultats du sondage ont permis de préciser l'état des connaissances de la population canadienne sur le sepsis », dit la coresponsable de l'étude, la Dre Jeanna Parsons Leigh, professeure adjointe et titulaire de la chaire de recherche commémorative Killam à l'Université Dalhousie.

« Nos constatations orienteront les prochaines étapes du programme de recherche pour mieux comprendre les facteurs qui contribuent aux lacunes actuelles dans les connaissances sur le sepsis. Nous serons alors en mesure d'établir un plan pour les combler », ajoute la Dre Parsons Leigh.

Les patients septicémiques au cœur du réseau de recherche

Kristine Russell et sa fille Ellie

Sepsis Canada repose en grande partie sur les 31 membres de son conseil des patients qui, en plus de donner leur avis sur les projets de recherche du réseau, collaborent à l'élaboration et à la conception des études. « Les personnes ayant une expérience concrète sont essentielles au mouvement qui a commencé aux IRSC il y a près de dix ans, mené par la Stratégie de recherche axée sur le patient (SRAP) et ses plateformes » dit le Dr Rowe.

Tous les membres du conseil des patients ont une connaissance intime du sepsis, car ils y ont survécu ou sont des proches d'une personne qui en a souffert. Kristine Russell et sa fille nouveau-née, Ellie, ont failli mourir d'un sepsis quelques heures seulement après l'accouchement. Pendant le premier mois de sa vie, Ellie était à l'hôpital, intubée et traitée par de puissants antibiotiques. Aujourd'hui âgée de 8 ans, elle souffre toujours des conséquences à long terme de ce grave épisode.

« En ayant un enfant atteint de sepsis, j'ai été propulsée dans un monde où je devais en découvrir les effets à long terme », dit Kristine Russell, qui, pour sa part, a souffert du trouble de stress post-traumatique pendant des années.

« Si des patients, comme moi, sont impliqués dans la conception de la recherche, ils peuvent vraiment en comprendre le bien-fondé. Après avoir vécu une expérience négative, participer à la création d'un changement positif a joué un rôle important dans mon processus de guérison », dit Kristine Russell, qui, en tant que patiente partenaire et maintenant gestionnaire du programme de marketing et de communication de Sepsis Canada, aide à remédier aux lacunes en matière de sensibilisation au sepsis.

Encourager les patients à demander : est-ce le sepsis?

La Dre Fox-Robichaud indique que son but ultime est que les médecins de famille et les fournisseurs de soins de longue durée soient formés pour reconnaître les signes de sepsis. Elle espère qu'éventuellement, au Canada, un test de dépistage du sepsis fasse partie du protocole utilisé auprès des patients admis à l'urgence.

« Il y a eu des campagnes de sensibilisation formidables pour des affections comme la maladie de Lyme ou les AVC, mais aucune n'a encore eu pour objectif de sensibiliser le public au sepsis. Nous voulons remédier à la situation. Nous voulons que les patients soient en mesure de demander à leur professionnel de la santé : "Est-ce le sepsis?" »

Ariana Parolini Sisti, qui fait actuellement partie du conseil des patients de Sepsis Canada et de l'équipe de recherche de la Dre Parsons Leigh, s'est donné pour mission de faire changer les choses.

« Mon objectif, en faisant partie de l'équipe de recherche, est de permettre à la population de mieux comprendre le sepsis et de l'y sensibiliser », confie Ariana. « J'ai le cœur serré quand je pense à mon mari et combien il me manque, mais l'ennui est ce qui me motive à avancer. La sensibilisation au sepsis est désormais ce qui me passionne. »

La raison d'être d'initiatives comme Sepsis Canada est de cibler l'attention sur des domaines particuliers de l'écosystème de la recherche en santé dans lesquels des investissements stratégiques permettront de combler des lacunes et des besoins définis. Sepsis Canada bénéficie d'un financement de plusieurs instituts des IRSC, soit l'ISCR, l'IMII, l'INMD et l'ISPP.

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